Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Enseignement/Apprentissage de la Prononciation du Français
Enseignement/Apprentissage de la Prononciation du Français
25 février 2018

"Attraper l'accent..."

 

    J'ai déjà mentionné ici des extraits littéraires qui évoquent l'adoption d'un accent.

    Dans L'horloge sans aiguilles (Clock without hands) de Carson McCullers (1953), je lis dans la traduction française (Livre de poche, p. 116) :

 

[lŒʒyʒ / navɛʒamɛly *tɔlstɔj / mɛzilavɛvylefilm // e *ʃɛkspiʁ // ilavɛtetydje *ʃɛkspiʁ / alekɔldŒdʁwa / emɛmasiste / aynʁŒpʁesɑ̃tasjõ d*amlɛt / a *atlɑ̃ta // paʁyntʁupɑ̃glɛz / kiʒwɛ / avɛklaksɑ̃ɑ̃glɛ / natyʁɛlmɑ̃ // sEtɛlane / dŒsõmaʁjaʒ // mis *misi avɛmisepɛʁl / esepʁŒmjɛʁbag // apʁɛtʁwaʁŒpʁezɑ̃tasjõ / dyfɛstivald*atlɑ̃ta / ɛlavɛtatʁape / laksɑ̃ɑ̃glɛ / tɑ̃tɛlEtɛsybʒyɡe / eɛllavɛgaʁde / tutɛ̃mwaɑ̃sɥit //]

   J'attends vos transcriptions orthographiques et vos remarques (sur la transcription des mots anglais par exemple...) en commentaire de ce post !

PS : l'astérisque précède un nom propre.

 

 

 

Publicité
Publicité
12 février 2018

Témoignages d'étudiants (III)

 

     Et voici de nouveaux témoignages d'étudiants publiés avec leur accord. Les coquilles et l'expression y sont originales. Ces textes répondent à la consigne suivante : "Freins et motivations à l'apprentissage de la prononciation d'une langue étrangère - expérience personnelle". Ces parcours singuliers d'apprentissage mettent en lumière les nombreux paramètres en jeu lors de l'acquisition d'une nouvelle prononciation.

 

  (d'autres témoignages ici)

 

 

Mei, une Chinoise en français

 

     J’ai commencé à apprendre le français dès l’âge 18 dans une université en Chine. J’avais quatre enseignantes chinoises qui enseignaient majoritairement en chinois, et deux enseignants français qui n’enseignaient qu’en français. Cette langue était ma spécialité à l’université, c’est pourquoi je devais me spécialiser dans ce domaine pour professer en français dans le futur. Par ailleurs, je n’avais pas envie ou peu de possibilité de me réorienter.

Ce sont des besoins professionnels et académiques qui m’ont poussée à apprendre le français, dont la prononciation est une compétence langagière incontournable. Au fur et à mesure des années, j’ai ressenti un engouement pour cette langue et décidé de poursuivre ce domaine. J’avais envie de pratiquer le français avec des francophones, de me faire des amis pour mieux connaître les sociétés francophones actuelles et réelles. La quatrième année universitaire, je suis venue en France en tant qu’étudiante d’échange. Pendant ce temps, je voulais améliorer ma prononciation, j’ai même suivi un cours de correction phonétique d’une heure par semaine. Je souhaitais parler comme les Français, vis-à-vis de mes interlocuteurs je voulais effacer mes origines étrangères. Je ressentais que bien prononcer le français m’aiderait à faciliter les conversations avec des francophones, voire à rapprocher les relations avec eux. Maintenant, je me suis orientée vers l’enseignement du français en Chine, j’aimerais prononcer correctement le français, gommer mon accent afin de devenir un bon exemple pour mes futurs apprenants, les encourager et les convaincre que les Chinois peuvent très bien parler français.

Comme il s’agit de l’apprentissage d’une langue très éloignée de ma langue maternelle, j’ai rencontré beaucoup de problèmes qui m’empêchaient d’apprendre sa prononciation. Premièrement, l’Etat, la société et le département ne mettent pas en avant l’importance de l’apprentissage de prononciation, du fait que nous en nous servons moins dans la réalité. C’est un cercle vicieux, les manuels et les enseignants n’insistent non plus sur la prononciation qui leur parait secondaire. Ils prétendent que même si nous ne prononçons pas bien le français, ce n’est pas grave, le plus important c’est se comprendre, nous pouvons toujours utiliser des gestes pour compenser nos faiblesses en prononciation. Deuxièmement, au début de l’apprentissage, faute de connaissances et de références linguistiques (les intonations, les prosodies, etc.), je ne pouvais pas distinguer quelles étaient les bonnes prononciations. Durant une certaine période, je croyais que plus on parle vite, mieux c’est. Une de mes enseignantes nous a dit de faire la moue pour prononcer mieux, mais nous pensions que c’était ridicule et affecté de parler comme cela. Troisièmement, le manque de pratique du français joue aussi un rôle très important, surtout quand j’apprenais le français en Chine, dans une ville où il avait peu de francophones. Je n’avais quasiment pas d'interlocuteurs, la prononciation n’était pas une compétence urgente à développer. Après être corrigée devant la classe suite à un exposé oral et être moquée par des camarades quand j’imitais des enregistrements français, j’ai éprouvé des moments de découragement dans l’apprentissage de prononciation, d’autant plus que sa progression n’est pas très évidente et rapide. A la fois, changer de façon de prononcer touche à l’identité, j’ai un côté conservateur, ma langue maternelle a une intonation très différente de celle du français.

 

 

Tara, une anglo-Américaine en français

 

     Existe-t-il de l’apprentissage sans les moments, voire des périodes, de blocages et d’autres plein de motivations ? Il me semble que d’entreprendre une leçon, une nouvelle connaissance, ou partir à la recherche des nouvelles compétences, indépendamment de la matière, on doit anticiper un chemin long et pas du tout droit, c.à.d. avec virages et collines, souvent imprévus et des hauts et des bas et tout au long sans jamais atteindre le sommet. A mon avis, c’est surtout le cas avec des études de langue mais aussi avec toutes sortes de sujets,  il n’y a pas un seul sommet, on y « arrive » jamais car au fur et à mesure de progresser dans nos études, on se rend compte que plus on le sait, plus il y a à savoir!

Dans mon propre parcours avec le français langue étrangère, le départ était tout positif et, jusqu’à l’instant, J je n’ai jamais eu de traumatisme en tant qu’apprenante qui fait que ma vie avec le français était enrobée, pour la plupart, de motivation, curiosité, détermination, et surtout l’amour et bien sûr, pointillée avec des moments, voire des périodes, où je me suis trouvée bloquée ou bien beaucoup moins motivée.

J’ai vécu des blocages souvent à travers des mécompréhensions culturelles (des marchands impatients ou des fonctionnaires bureaucratiques mais aussi avec des amis proches) face à un problème que ni moi qui l’autre comprenaient au moment. Ces moments-ci étaient bien frustrants car la solution communicative n’était pas évidente et le résultat de cet « échec » m’a souvent laissée exaspérée. Je me souviens aussi d’une grosse fatigue, surtout mes premiers mois d’immersion dans une famille française. Qu’est-ce que c’était fatigant d’écouter ce que je ne comprenais pas et épuisant d’apprendre s’exprimer à nouveau ! Je trouve que c’est encore plus difficile quand on est déjà adulte (j’avais 18ans) parce que c’est une perte de contrôle et ça nous laisse dans une position d’instabilité qui n’est pas tout à fait naturelle à cet âge.  J’avais de la chance d’être en contact avec des gens assez sympas, car on se moquait très peu de moi. Par exemple, je m’occupais d’une fille de 3 ans et elle m’aidait à prononcer le mot « écureuil » avec la patience d’un ange mais la détermination d’un petit de 3 ans ! J’avais de la chance. C’était quand même difficile de ne pas être un membre ‘normal’ du groupe. Je me souviens d’un moment dans une voiture avec des français qui parlaient entre eux et je me sentais exclue donc j’ai commencé à parler à moi-même (sous mon souffle). Je n’étais pas contente. Alors, quelqu’un a dit, « Tu parles à toi-même? » avec un ton moins sympa. A cette époque, je ne savais pas ce que ça voulait dire « à toi-même » mais j’ai vite pris ma vengeance et je l’ai mémorisé pour la vie !

Quant à mes motivations, j’adorais l’étymologie des mots. Donc, quand je me suis trouvée en face d’un mot que je connaissais pas, je voulais non simplement connaitre la définition mais aussi, toute son histoire et ses liens avec (peut-être) avec ma langue maternelle ou ses liens avec d’autres mots. C’était cette curiosité qui m’avait conduit aux quatre coins des deux langues et qui, pour moi, faisait partie d’un jeu. J’ai aussi appris le français à table avec des français, dans une famille française bien sympathique et là, je voulais vivre comme eux, de pouvoir parler des nuances des fromages ou du vin. J Mais en même temps puisque je n’étais pas eux—j’étais la seule américaine parmi eux--je voulais aussi pouvoir participer dans des discussions et des arguments, par exemple, de politique ou les « droits de femmes. » Alors, j’avais toujours de bonnes raisons d’apprendre un petit plus. C’était aussi la musique de la langue qui m’intéressait, de connaitre un autre rythme et de travailler et d’entrainer ma bouche différemment comme si je pratiquais un autre instrument.

C’est plus qu’une leçon, une langue adoptive, ça fait partie de notre vie car s’exprimer –dans n’importe quelle langue—est un exercice très personnel, très individuelle. Alors, je peux aller encore plus loin et dire que les relations qu’on a avec nos langues (maternelle et étrangères) sont plus proche de nous qu’un amant ou un époux car chaque tentative est une création de nous-même : on vit à travers ce qu’on parle. Ce n’est pas le français dans le monde, c’est ma façon de parler mon français qui est partie intégrante de mon identité. (Même quand j’ai du mal à m’exprimer comme avec cette dernière phrase!) Alors, comme dans tous les relations, il y a des hauts et des bas, des joies et des déceptions mais quand il y a une certaine attraction, profonde et naturelle, souvent l’amour s’installe et avec un certain engagement et beaucoup de travail et d’humour, ça peut durer toute une vie.

 

 

Sara, une Française en anglais

 

     Quelles sont mes motivations et mes freins dans mon apprentissage de la prononciation d’une langue étrangère ?

Pour tenter de répondre à cette question, je vais m’appuyer sur mon apprentissage de l’anglais et le rapport que j’entretiens avec cette langue.

Ma première motivation pour l’apprentissage de la prononciation de cette langue est l’amour que je porte à celle-ci. Depuis que je suis enfant, l’anglais est une langue qui m’est culturellement accessible de part les films que je regarde ou les chansons que j’écoute. Les sonorités de cette langue m’ont toujours plu et j’ai toujours aimé reproduire les sons que j’entendais.

Je n’ai jamais de peine à prononcer l’anglais lorsque je suis seule. Par exemple, lorsque j’entends une chanson que j’aime à la radio je peux sans difficultés chanter en anglais et je m’efforce de bien prononcer l’anglais, car à ce moment là je n’ai pas d’inhibition. Mais j’éprouve beaucoup plus de difficultés, de freins, lorsque je rencontre un locuteur natif ou plus expert en anglais et que je dois à ce moment là parler et m’exprimer dans cette langue.

Je pense que la timidité, l’inhibition et la peur d’être jugé par mon interlocuteur font que je peux être parfois en situation de stress lorsque je m’exprime en anglais et je ne suis alors plus apte à prononcer correctement les mots. Dans ces cas là, on me demande de répéter le mot ou la phrase que je n’ai pas pu prononcer correctement.

J’ai pu faire l’expérience de ce phénomène en classe d’anglais (de la sixième à l’université), où mes professeurs m’ont souvent demandé de répéter ce que je voulais dire. La prise de parole en anglais devant une classe peut être un facteur de stress qui engendre une mauvaise prononciation de ma part.

J’ai aussi pu me rendre compte lors de mes voyages en Angleterre et aux États-Unis que j’éprouvais des difficultés à me faire comprendre par les locuteurs natifs, ces derniers me demandant souvent de répéter mes questions lorsque j’avais besoin d’aide par exemple. Je pense à ce moment là que je n’ai pas réussi à bien prononcer les mots par un manque d’assurance certain.

Pour remédier à cela, j’ai pris la décision en 2013 de suivre une formation intensive d’anglais au centre de formation Astrolabe par le biais du Pôle Emploi lorsque j’étais à la recherche du emploi. J’ai pu grâce à cette formation d’anglais pratiquer l’anglais durant trois mois à raison de 300 heures. J’étais très motivée car j’étais frustrée de ne pas pouvoir me faire comprendre dans une langue que j’aime tant. Ces expériences de mésentente à la fois avec mes professeurs d’anglais et les locuteurs anglophones ont fait que j’ai eu un réel désir d’améliorer ma prononciation en anglais.

Ce ne fut pas une expérience facile car j’ai du me consacrer pendant trois mois à la pratique et au travail de la langue anglaise avec un rythme soutenu (de 9h à 17h durant cinq jours par semaine). Mais je voulais à tout prix faire progresser mon niveau, à la fois à l’oral et à l’écrit. J’étais prête à travailler.

J’ai pu rencontrer des professeurs remarquables qui m’ont incitée à parler en anglais, à faire des exposés en anglais et à surmonter ma timidité et mon inhibition. J’ai compris que faire des erreurs faisait partie de l’enseignement de la langue et que personne en réalité ne me jugeait. Jusque là, je m’étais toujours imaginé que les gens pouvaient mal me juger lorsque je m’exprimer en anglais, mais c’était une fausse croyance.

L’aide de mes professeurs a été une grande motivation pour améliorer ma prononciation en anglais. Je me souviens d’ailleurs d’un professeur qui était très exigeant quant à la prononciation de l’anglais. Il nous disait qu’il fallait absolument que l’on s’entraîne à la maison à répéter les mots qui nous étaient problématiques. Une fois en classe, nous devions les répéter devant nos camarades.

Je me souviens également d’un jour où le professeur avait compris que nous éprouvions tous des difficultés à formuler le son « th ». Tous les élèves ont du alors répéter à tour de rôle différents mots (« this », « the », « through ») jusqu’à ce que tout le monde ait bien compris qu’il fallait placer la langue derrière les incisive du haut. Le professeur n’a pas hésité à nous montrer physiquement ce que nous devions reproduire. Il m’a encouragé dans mon effort phonétique. D’ailleurs, il nous disait souvent qu’une bonne prononciation peut s’acquérir par le travail et par l’effort.

Aujourd’hui je sais que j’ai encore des lacunes quant à ma prononciation en anglais mais j’ai réussi à presque surmonter mon problème d’inhibition. J’étudie toujours l’anglais à la faculté et j’essaye de prendre toujours la parole en cours afin de progresser dans ma prononciation de cette langue. Je sais que mon professeur ne me juge pas et qu’il essaye de m’orienter vers une meilleure diction de l’anglais. Je n’hésite d’ailleurs plus à parler anglais avec mes amis anglophones car je sais que c’est en pratiquant la langue que je pourrai m’améliorer.

 

 

 

[Deux ajouts -- février 2023 :]

 

Lola, une Française en anglais

 

     Depuis la classe de 6ème, j’apprends l’anglais (qui est ma LV1). J’ai toujours pris beaucoup de plaisir à m’efforcer de « bien » prononcer, en imitant les variétés de la langue anglaise qui plaisaient le plus à mon oreille – par exemple la prononciation très pointue marquant le « t » que l’on retrouve souvent dans les films ou séries historiques. Cette attention portée à la prononciation m’a toujours semblée indissociable d’une recherche de fluidité dans l’expression, de maîtrise prosodique.

Le format des cours de langue durant ma scolarité a plutôt constitué un frein à cet apprentissage. Tout d’abord, les professeurs avaient tous un fort « accent » français. ; ensuite, les cours comprenaient peu d’activités de production ou d’interaction orale, et peu de travail à partir de documents authentiques audiovisuels. J’avais enfin l’impression de parler en cours une langue désincarnée, abstraite, qui me devenait incompréhensible lorsque je me trouvais confrontée à des locuteurs ou locutrices natif.ves utilisant des variétés s’éloignant de l’anglais « standard ». Quand j’ai rencontré un ami venant de Cornouailles pendant ma dernière année de licence, j’ai ainsi eu l’impression que nous ne parlions pas du tout la même langue.

J’ai donc mis en place des stratégies pour habituer mon oreille à différentes variétés d’anglais, hors du cadre scolaire : écouter de la musique en anglais, regarder des films et des séries sans sous-titres afin de me forcer à me concentrer à la fois sur le sens et sur les sons que j’entendais. Cela m’arrive souvent de répéter des répliques après les personnages, surtout si leur manière de s’exprimer me plaît (c’était là le plus grand intérêt pour moi de la série Downton Abbey). J’ai aussi plusieurs fois, pendant mes deux années de prépa, appris par cœur des poèmes (comme « The Tyger » de William Blake) ou des tirades d’Hamlet avant d’écouter différent.es comédien.nes les réciter et de les imiter.

Le plus efficace pour moi est cependant de discuter longuement avec des personnes anglophones natives. Ainsi, lors de ma première année à l’ENS, ma participation à un tandem linguistique a-t-elle marqué une étape dans ma progression : dans un contexte interactif répété, je parvenais mieux à comprendre comment rythmer et accentuer mes phrases, quelles intonations adopter, comment combiner entre eux des sons compliquées (mon pire cauchemar étant « months »).

Actuellement, le manque d’entraînement se fait sentir, et si je pense maîtriser globalement la prononciation des mots et leur accentuation, ce n’est plus le cas de la prosodie. L’enseignement des langues dans l’enseignement supérieur (en tout cas à un niveau B2-C1) étant très centré sur l’écrit et le contenu thématique des cours, il faudrait que je travaille par moi-même ou que je trouve des interlocuteurs.trices régulier.es…

Pour résumer, je pense que ma principale motivation pour maîtriser la prononciation d’une langue (en l’occurrence l’anglais) est le plaisir (et la fierté) que je ressens lorsque j’y parviens, et que le principal frein à cet apprentissage est le cadre scolaire dans lequel j’ai étudié l’anglais.

 

 

Victor-Louis, un Français en anglais

 

      Je n’ai aucun souvenir de mes classes ou cours d’anglais de primaire. En revanche, mes professeures d’anglais du collège m’ont fait entrer dans cette langue de manière épanouie. Je me souviens de ma jeune professeure de 6e/5e qui passait beaucoup de temps à nous faire répéter des mots en exagérant leur prononciation sans nous montrer l’écrit. Par exemple, souvenir marquant visiblement, le mot tired en anglais a suscité de grands émois dans notre communauté de répéteurs lorsque le mot a été écrit au tableau. Pendant de nombreuses années, dans les classes suivantes, les erreurs de prononciation de mes camarades me faisaient sourire puisque je me souvenais encore de la manière de le dire, imprimée dans mon oreille. Favourite, about ou though complètent cette liste (et suscitent une certaine fierté je dois l’avouer). 

En troisième, mon rapport à l’anglais a profondément changé grâce au début d’une amitié de correspondance qui perdure encore aujourd’hui. L’échange linguistique avec un collège de filles de Tunbridge Wells dans le Kent a bouleversé ma relation jusqu’alors scolaire et détachée à la langue — vue comme une matière parmi tant d’autres. Une amitié est née avec ma correspondante et les voyages d’été se sont multipliés. J’ai aimé le pays, cette nouvelle manière de vivre et de voir le monde. Et sans doute mu par cette âme de bon répéteur de sixième, l’accent du Kent très anglais s’est imprimé dans ma tête. Mon année Erasmus à Cambridge quelques années plus tard n’arrangera rien. 
Après cet échange, l’anglais est devenu subitement l’une des matières les plus importantes à mes yeux. De nouveaux professeurs que j’ai beaucoup aimés se sont succédé et ma compétence orale a pu être exploitée. Cependant très vite l’accent que j’avais s’est retrouvé en décalage avec mon niveau écrit et les professeurs attendaient plus de moi, et mes amis ne comprenaient pas que je pouvais avoir leur niveau écrit alors que je me débrouillais aussi bien à l’oral. Les années lycée et prépa ont aussi vu une honte de parler devant la classe et ce que je voyais comme de la fierté les étés avec mon amie anglaise devenait de la vantardise auprès de certains. Le côté trop scolaire et surtout l’importance de l’écrit (nettement privilégié face à l’oral) ont eu raison de ma motivation à participer avec enthousiasme aux cours de langue. 
De manière générale, la grande majorité des avancées que j’ai pu faire en terme de prononciation ont été faites en Angleterre avec mon amie, où l’expérience sur le terrain m’a appris à comprendre l’importance de certaines erreurs. L’immersion dans le Kent ou à Cambridge (pour une année Erasmus) s’est toujours accompagnée d’une volonté de me fondre dans le décor. Passer pour un Français là-bas n’était pas gênant, mais voir la reconnaissance dans les yeux de mes interlocuteurs lorsque j’adoptais leurs manières de vivre ou de parler était grisant. Les compliments me valorisaient et je voulais toujours en faire plus. Il était rare que des incompréhensions dues à une mauvaise prononciation de ma part se répètent. 
Pourtant, je déplore aujourd’hui mon manque d’intérêt pour la matière scolaire que représente l’anglais, et même son apprentissage en général. Bien loin (presque cinq ans) sont les livres achetés en anglais par gourmandise intellectuelle ou les podcasts anglais de la BBC. Je ne sais pas si c’est l’école ou une forme de paresse qui a évité à l’essai d’être transformé mais c’est dommage. L’univers du FLE et la proximité avec des étudiants internationaux ravivent cette première flamme et l’échange oral — avec ou sans la prononciation traditionnelle — redevient le cœur de mon usage de l’anglais. 
En parallèle, peut-être en compensation, la volonté d’imiter et de répéter s’est manifestée dans mes cours d’espagnol, où les professeurs accordaient une grande place à a production orale et où aucune honte de chercher à reproduire l’accent n’a pu se faire ressentir.

 

 

 

 

Visiteurs
Depuis la création 924 872
Publicité
Newsletter
Archives
Publicité